Breaking news, ou lieu commun !? L’attention humaine s’effriterait de façon substantielle : 8,25 secondes en 2025 contre 9,2 secondes en 2022 [1].
81% de la génération Z change de marque favorite chaque année, transformant la fidélité en concept obsolète ? [7] Nous avons donc très probablement les deux pieds dans une époque où les audiences sont volatiles – et tout aussi volubiles ! – et où chaque seconde compte, car l’engagement se conquiert à chaque interaction.
Pour illustrer notre propos, nous repartirons ici de « l’accablement » digital – certes ponctuel et relatif mais néanmoins spectaculaire dont a été l’objet Guerlain, en janvier 2024. Pourquoi ce cas d’école en dit long sur cette nouvelle réalité ? 30 537 messages négatifs en 48h pour une simple « crème quantique » [8].
Un bref rappel des faits pour bien comprendre… En janvier 2024, Guerlain (LVMH) lance une « crème quantique » à 650€ sans fondement scientifique, déclenchant un bad buzz massif : 30 537 messages en 48h (20x plus qu’en temps normal) et 980 000 vues sur leur réponse défensive. La tentative de censure de la vidéo critique amplifie la polémique : ce cas illustre parfaitement comment une seule incohérence peut faire basculer une audience entière à l’ère de la volatilité digitale.
Cette crise révèle, finalement, les mécanismes profonds d’une mutation comportementale qui redéfinit les codes de la communication digitale. Décryptage des enjeux psychologiques, marketing et sociétaux de cette révolution, avec ça et là quelques clés pratiques pour naviguer dans cette nouvelle donne.
La révolution neurologique, ou quand le cerveau se recalibre
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’attention humaine serait passée de 9,2 secondes en 2022, à 8,25 secondes en 2025 – bien que ces mesures fassent débat dans la communauté scientifique qui questionne la comparabilité entre attention sur réseaux sociaux et capacités cognitives générales…
Quoi qu’il en soit, même s’il ne s’agit que d’une petite seconde, cette chute vertigineuse resterait le symptôme d’une restructuration neurochimique profonde : chaque like, partage ou notification déclenche une potentielle libération de dopamine qui crée une addiction au « nouveau ».
Vos 3 premières secondes de contenu doivent donc impérativement contenir votre promesse principale : en cours de production, testez systématiquement vos accroches avec la règle du « scroll-stop » > Votre visuel/titre arrête-t-il le scroll instinctif ?
Le phénomène « TikTok Brain » transforme donc en quelques sortes les cerveaux en machines à gratification instantanée. Les audiences modernes fonctionnent ainsi désormais sur un mode « zapping cognitif » permanent et passent d’un stimulus à l’autre sans temps de pause.
Pour tirer profit de cette information, il est possible de structurer vos contenus en « micro-récompenses« , par exemple toutes les 8-10 secondes, en diffusant à travers vos différents formats une information choc, un visuel surprenant, une question directe. En d’autres termes : chaque segment doit justifier les 8 secondes suivantes. Si l’on s’est ennuyé, que l’on n’a pas été happé, surpris ou séduit, il n’est que très peu probable qu’on laisse une seconde chance à votre contenu…
Anatomie de la volatilité : décryptage des comportements
Le cas Guerlain révèle les déclencheurs de volatilité : 53% des consommateurs changent de marque après une seule mauvaise expérience [6], et 81% de la génération Z bascule vers une nouvelle marque chaque année [7] .
La « crème quantique » de Guerlain a généré 30 537 messages en 48h (20 fois plus qu’en temps normal), prouvant qu’une seule incohérence peut faire basculer une audience entière, ou presque. L’utilisation du terme « quantique » sans fondement scientifique a aussi déclenché une mobilisation de 5% d’experts scientifiques dans les conversations [8].
Règle d’or pour vos campagnes : avant toute publication, posez-vous 3 questions :
– cette affirmation est-elle vérifiable ?
– mon audience cible a-t-elle les compétences pour la contester ?
– ai-je des preuves tangibles si on me challenge ?
La création d’un « comité de lecture » avec 3 profils différents de votre audience pour tester vos messages avant diffusion peut-être un atout stratégique de taille, et Guerlain aurait peut-être évité sa crise avec cette simple précaution…
Les mécanismes psychologiques : l’addiction au nouveau
Le cycle dopaminergique des réseaux sociaux crée une dépendance à la nouveauté et on parle même de « fatigue de l’identique » pour les audiences modernes, qui les pousse à chercher constamment de nouveaux stimuli. Cette économie de l’attention génère un paradoxe, car plus vous créez de contenu, plus votre audience en demande mais moins elle y prête attention individuellement.
Face à ces constats, il n’est pas inintéressant de s’essayer à la conception d’une stratégie anti-volatilité (!), ça se tente ? Alternez contenu « confort » (ce que votre audience attend) et contenu « surprise » (ce qu’elle n’attend pas), pour maintenir l’engagement sans perdre la cohérence.
Misez aussi sur la technique du « pattern interrupt », et brisez régulièrement vos propres codes. Si vous publiez toujours des carrousels, faites une vidéo, ou si vous êtes toujours sérieux, tentez l’humour. La rupture de pattern réveille l’attention.
Stratégies d’adaptation : comment « naviguer » la volatilité ?
Leçon Guerlain : la marque a tenté de faire supprimer la vidéo critique de G. Milgram, déclenchant l’effet Streisand. L’effet quoi ? On reformule : l’effet Streisand est celui par lequel une tentative de censure ou de dissimulation provoque paradoxalement sa diffusion massive…
Résultat : 980 000 vues sur leur tweet de réponse défensif.
Alors que faire si vos messages en font l’objet ? La règle des 3R face à la volatilité :
– Reconnaître rapidement (dans les 2h)
– Rectifier avec transparence (preuves à l’appui)
– Rebondir en montrant l’apprentissage.
Idée d’outil de veille pratique : configurez des alertes Google sur votre marque, balisées par des mots-clés sensibles. Surveillez aussi les hashtags dérivés (#Quantox pour Guerlain) qui signalent une viralisation négative…
Les enjeux sociétaux : en route vers l’éphémère ?
L’affaire Guerlain illustre une mutation profonde : les audiences exigent désormais une cohérence scientifique même dans le marketing. Le pseudoscience marketing, longtemps toléré, devient un facteur de volatilité majeur.
Cette exigence de transparence transforme les rapports marques-consommateurs. Au total, ce sont 422 articles de presse qui ont couvert l’affaire Guerlain, et prouvé que les bad buzz locaux deviennent des enjeux médiatiques globaux.
Concernant l’impact créatif de cet état de fait, on relèvera que la volatilité pousse vers des contenus plus authentiques mais aussi plus superficiels. Le paradoxe à gérer devient donc le suivant : être vrai sans être ennuyeux, être rapide sans être « bâclé ».
Un conseil pour vous prémunir de ces écueils, côté production éditoriale ? Développez une « charte de cohérence » en listant et en diffusant, auprès de vos contributeurs, et pour vos différents clients :
– ses valeurs non-négociables,
– ses domaines d’expertise légitimes,
– ses limites de communication (ne jamais promettre ce qu’on ne peut pas tenir).
Une autre idée d’initiative : testez le « slow content », en proposant et en diffusant 1 seul contenu par semaine mais plus long, et plus réfléchi. Prenez ensuite le temps de mesurer l’engagement qualitatif (commentaires, partages) Vs. son pendant quantitatif (likes, vues). On parie que comme souvent, le slow content génère plus de fidélisation ?
On se résume : il est peut-être temps de se réinterroger sur la notion d’engagement…
La crise Guerlain enseigne une leçon fondamentale : quand l’audience est volatile, l’authenticité n’est plus un bonus mais une question de survie ! Les 650 € de la « crème quantique » symbolisent la déconnexion fatale entre promesses marketing et réalité scientifique…
Cette révolution comportementale exige donc sans l’ombre d’un doute une nouvelle intelligence créative, celle qui sait captiver en 8 secondes ET construire une confiance durable. Cap ou pas cap ?
>> A lire pour aller plus loin : notre article dédié à l’engagement et à ses métamorphoses
Les créateurs qui survivront seront ceux qui transformeront chaque interaction éphémère en pierre d’un édifice relationnel solide. Et l’IA répondra bien sûr « présente » pour les y aider. Concluons en déclarant que l‘avenir appartient (certainement) aux créateurs de contenu qui maîtriseront l’art de l’instantané authentique : captiver immédiatement, surprendre régulièrement, et tenir toujours leurs promesses.
Sources : [1]Social Media Attention Span Statistics 2025: By Platform – SQ Magazine https://sqmagazine.co.uk/social-media-attention-span-statistics/
[2]BEST USER ATTENTION SPAN STATISTICS 2025 – AMRA & ELMA https://www.amraandelma.com/user-attention-span-statistics/
[3]How Digital Media Made Us Dopamine Addicts – Federico Ferrarese https://www.federicoferrarese.co.uk/2025/01/01/digital-media-and-dopamine/
[4]How Social Media Affects Mental Health – McLean Hospital https://www.mcleanhospital.org/essential/social-media
[5]TikTok Brain: Understanding the Impact on Modern – Renu Counselling https://renucounselling.ca/tiktok-brain/
[6]Is Customer Loyalty Declining? What the Research Tells us – LoyaltyLion https://loyaltylion.com/blog/declining-customer-loyalty
[7]Brand loyalty is fading among Gen Z and millennials – eMarketer https://www.emarketer.com/content/brand-loyalty-fading-among-gen-z-millennials
[8]La « crème quantique » de Guerlain : décryptage du bad buzz sur les réseaux sociaux – Visibrain https://www.visibrain.com/fr/blog/la-creme-quantique-de-guerlain-decryptage-du-bad-buzz-sur-les-reseaux-sociaux
[9]60+ Key Social Media Addiction Statistics in 2025 – AI Detector
[10]Instant Gratification and Dopamine Rush: the Effects of Social Media on Mental Health – UCI
Instant Gratification and Dopamine Rush: the Effects of Social Media on Mental Health